Le crabe 3 - L'Amère 1
Saleté de crabe,
Tu m'as d'abord bouffé ma grand-mère, puis ma petite soeur et, jeudi soir, la faucheuse a gagné contre toi, avant que tu ne passes à l'attaque, et vous deux, saletés de vous deux, vous m'avez pris ma belle-soeur.
Souviens toi, saloperie de crabe, l'année dernière, tu t'es attaqué au parrain de ma fille. Et contre toute attente, là, cette fois, c'est lui qui t'a assommé. T'as bien cru nous avoir en faisant comme si t'allais repointer le bout de ton nez il y a quelques mois, mais là, raté mon gars, c'est le parrain oui ou merde. Alors il a vaincu. Il t'a vaincu. Et on a fêté notre victoire dans les larmes de joie et les rires qui déchirent les murs.
Ce soir j'avale la pilule amère. Mais ne crois pas qu'on va te laisser comme ça, tranquille, nous bouffer la famille.
T'as du bien rigoler dans ta carapace quand ce matin j'ai pas pu soutenir ma nièce. Parce que les pleurs d'un enfant qui perd sa mère ça me jette à terre en deux temps trois grains de sable. Et le sable il pique les yeux, fait des trous béants dans le coeur, et t'étouffe aussi un peu si t'y fais pas gaffe.
Alors, le sable, le crabe, tout ça, c'est des histoires de la mer. Pas des histoires pour l'amère.
Ma belle-soeur, maintenant, elle fait ses blagues relou avec ses potes les anges. Et moi j'entends des bruissements d'ailes et des rires de lumière. Elle vient visiter mes nuits, on se dit qu'on s'aime, et on monte et on descend l'escalier du ciel pendant des heures. Parce qu'elle était pas pressée elle, de connaître le paradis. Alors elle reste un peu avec moi, la nuit, et on papote comme deux vieilles concierges.
J'ai pas tout perdu le crabe. Il me reste mes rêves. Et ma rage et ma haine. Un peu tout plein d'amour de la vie aussi. Parfois.